Le 4 avril 2006, Farid Berrhama et ses lieutenants étaient abattus
Hier matin, protégé d'un gilet pare-balles, Ange-Toussaint Federicci s'est plié aux exigences du juge lors d'une minutieuse reconstitution mais il continue de clamer son innocence.
© Florian Launette
Farid Berrhama et Ange-Toussaint Federicci avaient un point commun. Les deux hommes n'étaient pas des habitués de la brasserie "Les Marroniers".
Pourtant, c'est dans ce modeste bar de quartier, au rez-de-chaussée d'un immeuble de neuf étages des Chutes-Lavie, que le caïd salonnais soupçonné de régner sur un prospère trafic de machines à sous autour de l'Etang de Berre et l'ancien braqueur corse, fiché au grand banditisme, allaient sceller leur destin, un soir de quart de finale de Coupe d'Europe, opposant Le MilanAC et l'O. Lyonnais.
Le 4 avril 2006, à l'heure de la mi-temps, un commando armé de fusils à pompe abattait méthodiquement le caïd, assis face à l'entrée, puis ses deux lieutenants, Allouane Baha et Edie Djendelli. "Un vrai travail de professionnels, relève Me Roubaud, avocat de la famille Berrhama. Il n'y a pas de dégâts collatéraux. Rien n'a été laissé au hasard". Enfin presque. Au comptoir, Ange-Toussaint Federicci, sirote un Vittel en attendant un ami. Malchanceux, il est blessé par le ricochet d'une balle.
Voilà la version qu'il sert aux policiers depuis sa mise en examen pour expliquer la présence de son ADN sur les lieux de la fusillade. Huit mois après la tuerie, le Corse avait en effet été interpellé à Paris. Les enquêteurs de la Crime avaient découvert qu'il s'était fait soigner, sous une fausse identité, dans une clinique marseillaise pour une blessure à la jambe, peu après le règlement de comptes. Or, l'ADN prélevé sur ses échantillons de sang était identique à celui retrouvé sur une des trois pièces d'un fusil à pompe, qui avait explosé pendant la fusillade ! Un élément accablant étayant la thèse de la vengeance du clan corse envers Berrhama, soupçonné d'avoir commandité l'exécution de Roch Colombani, figure du milieu insulaire, quelques jours plus tôt.
Hier matin, la méticuleuse reconstitution organisée par le juge Tournaire, à l'intérieur de la brasserie, désormais rebaptisée "Le Verlaine" par les nouveaux propriétaires, visait avant tout à mettre Federicci face à ses contradictions. "Un acte indispensable" estime Me Ospital, conseil de la famille Djendeli. Sans surprise, il a renouvelé sa version de "simple client malchanceux". Or, rares sont les témoins qui se souviennent l'avoir croisé ce soir-là. En revanche, ils sont nombreux à avoir vu deux tireurs fuir en soutenant un homme blessé. Et puis, pourquoi utiliser une fausse identité pour se faire soigner?
"Il a fait dix ans de prison pour braquage. Il ne voulait pas qu'on sache qu'il avait été témoin d'une affaire sordide" explique son avocat, Me Matteï. Reste à comprendre pourquoi Berrhama, d'ordinaire si méfiant, s'est rendu ce soir-là dans un bar qu'il connaissait peu et dont la proximité avec l'autoroute A7 allait faciliter la fuite des tueurs.
Preuve que les lieux avaient été savamment choisis et le caïd attiré dans le guet-apens par un proche. Pour son avocat, c'est évident: "il a été trahi!"